Œuvre Stèle de la victoire de Naram-Sin
Œuvre majeure illustrant l’art impérial de la dynastie Akkadienne, cette stèle de la victoire célèbre le triomphe du roi Naram-Sin sur un peuple montagnard, les Lullubi. Le roi akkadien a conduit ses troupes sur les pentes abruptes du territoire ennemi, écrasant sans pitié toute résistance. La marche victorieuse du conquérant est couplée à l’ascension personnelle d’un souverain qui pourrait maintenant prétendre à l’égalité avec les dieux.
Le butin des rois élamites
Cette grande stèle de la victoire d’une qualité exceptionnelle, sculptée dans du calcaire rose, n’a pas été retrouvée en Mésopotamie mais sur le site iranien de Suse. Il y avait été pris au 12ème siècle avant JC par le roi élamite Shutruk-Nahhunte, avec un butin considérable recueilli lors de sa campagne victorieuse à Babylone. À côté de l’inscription existante en cunéiforme primitif, le roi en a ajouté une autre dédiée à sa propre gloire et dans laquelle il déclare que la stèle a été emportée après le pillage de la ville de Sippar.
Naram-Sin et l’apogée de l’empire akkadien
Le texte original écrit en akkadien nous apprend que cette stèle a été réalisée pour célébrer la victoire de Naram-Sin, roi d’Akkad, sur les Lullubi, un peuple montagnard de la région centrale du Zagros. Naram-Sin était le petit-fils de Sargon, le fondateur de l’empire akkadien et le premier à unifier l’ensemble de la Mésopotamie à la fin du 24ème siècle avant JC. Naram-Sin a régné après son oncle Rimush et son père Manishtusu, faisant de lui le quatrième souverain de la dynastie. La liste des rois sumériens indique qu’il a régné pendant trente-six ans, entre 2254 et 2218 avant JC. Bien qu’aucun document contemporain ne confirme un règne aussi long, l’empire akkadien semble avoir atteint son apogée au cours de cette période.
Victoire sur les peuples montagnards
L’éclat du règne de Naram-Sin se reflète dans l’exécution de cette stèle, qui commémorait sa victoire sur Satuni, roi des Lullubi. Pour la première fois, le sculpteur a rejeté la division traditionnelle des sculptures en registres superposés, optant plutôt pour une composition unifiée et dynamique construite autour de la figure glorifiée du souverain.
L’armée akkadienne gravit les pentes abruptes des montagnes du Zagros, qui abritent les Lullubi. Cette marche ascendante balaie toute résistance. À droite d’une ligne d’arbres accrochés au flanc de la montagne, les ennemis vaincus sont représentés dans une posture de soumission. Ceux qui ont été tués sont piétinés par les soldats akkadiens ou tombent au-dessus du précipice. Ces montagnards sont vêtus d’une tunique de peau et portent leurs longs cheveux attachés en arrière.
La composition est dominée par la haute figure du roi, vers qui tous les regards – ceux des soldats akkadiens et de leurs ennemis Lullubi – sont tournés. Le souverain triomphant, montré plus grand que les autres hommes de la manière traditionnelle, mène son armée dans l’attaque de la montagne. Il est suivi par des porte-étendards qui défilent devant des soldats casqués portant des arcs et des haches. Naram-Sin piétine les corps de ses ennemis, tandis qu’un Lullubi agenouillé tente d’arracher la flèche qui lui transperce la gorge. Un autre lève les mains à sa bouche, suppliant le roi Akkadien de la miséricorde. Mais le regard du conquérant est dirigé vers le sommet de la montagne. Au-dessus de Naram-Sin, les disques solaires semblent rayonner leur protection divine vers lui, alors qu’il se lève pour les rencontrer. Le souverain akkadien porte un casque conique avec des cornes – un symbole traditionnellement le privilège des dieux – et est armé d’un grand arc et d’une hache.
Cette ascension victorieuse ciselée dans la pierre célèbre ainsi un souverain qui se considère sur un pied d’égalité avec les dieux. Dans les inscriptions officielles, le nom de Naram-Sin était donc précédé d’un déterminant divin. Il repoussa les frontières de l’empire plus loin qu’elles ne l’avaient jamais été, d’Ebla en Syrie à Suse en Élam, et mena son armée » là où aucun autre roi n’était allé avant lui. »Il apparaît maintenant comme un monarque universel, comme le proclame son titre officiel de « Roi des Quatre Régions » – à savoir du monde entier.
Bibliographie
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