Dante et les Limbes des Nourrissons Non baptisés
Image: Carte de l’Enfer de Sandro Botticelli
Dans le quatrième canto de l’Enfer, Dante nous amène dans le premier cercle de sa version de l’enfer. Il nous amène dans les Limbes, qu’il décrit comme un lieu de « soupirs de chagrin sans forme. » En un peu moins de 150 lignes de poésie, il présentera trois doctrines – d’autorité variable — qui sont souvent mal représentées, mal interprétées ou simplement mal comprises: Les Limbes, les Limbes particuliers des Pères, et les Déchirements de l’Enfer. Dans le prochain article, nous examinerons les Limbes des Pères et les Déchirements de l’Enfer; ici, nous examinerons les Limbes en général.
Les âmes trouvées dans les Limbes sont présentées par Virgile, guide fictif de Dante, comme irréprochables:
Ils n’ont pas péché. Mais leur grande valeur seule
ne suffisait pas, car ils ne connaissaient pas le Baptême,
qui est la porte d’entrée de la foi que vous suivez,et s’ils venaient avant la naissance du Christ,
ils n’adoraient pas Dieu comme on le devrait;
Je suis moi-même membre de ce groupe.Pour ce défaut, et pour aucune autre culpabilité,
nous sommes ici perdus. Rien que dans cela, nous souffrons:
coupés de l’espoir, nous vivons dans le désir. (Inf. IV.33-42)
Comme l’a présenté Dante, il y a deux groupes d’âmes ici, les « païens vertueux » et les nourrissons morts sans baptême. Dante concentre sa discussion sur les païens vertueux, mais historiquement les catholiques se sont beaucoup plus intéressés au sort des nourrissons non baptisés.
Les limbes sont un sujet compliqué, et il y a eu beaucoup de spéculations et de débats à ce sujet tout au long de l’histoire de l’Église. La doctrine des Limbes s’est développée à partir d’une controverse théologique concernant deux Vérités difficiles à concilier: (1) Dieu veut le salut de tous, tandis que (2) le baptême est nécessaire au salut.
L’hérétique Pélage du Ve siècle a pris la voie réconfortante, mais intellectuellement molle, en niant simplement la réalité du péché originel et, par conséquent, en niant également la nécessité du baptême des enfants. En réponse à Pélage, St. Augustin a formulé la notion de ce qui sera décrit plus tard comme les « Limbes des Enfants » (limbus infantium ou limbus puerorum). Saint Augustin a soutenu que sans le baptême, personne ne pouvait être sauvé (à cause du péché originel), mais que les enfants non baptisés n’avaient commis aucun péché personnel qui mériterait une punition particulière.
L’idée de saint Augustin s’est avérée influente et une certaine variation de celle-ci a été enseignée depuis. (Pour ceux qui souhaitent en savoir plus, consultez l’excellent résumé de l’histoire de la doctrine de l’Encyclopédie catholique, et ces articles concis et très utiles du Dr Alan Fimister ici et ici et du Dr Jared Staudt ici.)
Cependant, nombreux sont ceux qui ont l’opinion théologique qu’il existe une espérance de salut pour les enfants qui ne sont pas baptisés (voir CCC 1261). Pour ceux qui s’intéressent à de longues discussions théologiquement techniques (et je l’écris comme un compliment), L’Espoir Du Salut Pour les Enfants Qui Meurent Sans Être Baptisés fournit un tel document. Bien que n’étant pas un document d’enseignement faisant autorité, la Commission théologique internationale offre cet avis:
» La conclusion de cette étude est qu’il existe des raisons théologiques et liturgiques d’espérer que les enfants qui meurent sans baptême puissent être sauvés et amenés au bonheur éternel, même s’il n’y a pas d’enseignement explicite sur cette question dans la Révélation. Cependant, aucune des considérations proposées dans ce texte pour motiver une nouvelle approche de la question ne peut être utilisée pour nier la nécessité du baptême, ni pour retarder l’attribution du sacrement. Au contraire, il y a des raisons d’espérer que Dieu sauvera ces enfants précisément parce qu’il n’a pas été possible de faire pour eux ce qui aurait été le plus souhaitable — les baptiser dans la foi de l’Église et les incorporer visiblement dans le Corps du Christ. »
Près de mille ans avant Dante, sans doute le plus grand poète catholique était Paulin de Nola, qui avait connu le chagrin de perdre un enfant, a écrit ces vers d’une beauté envoûtante à son fils, qui est mort après seulement huit jours de vie:
Vous êtes maintenant un jeune habitant de la terre chaste du béni.
Vous êtes le chagrin de vos parents, mais aussi leur gloire.
Vous êtes l’amour, le désir et la lumière de votre famille.
Notre plaisir en toi a été court, mais le vôtre est long;
Pourtant, le plaisir que vous apportez peut être longtemps vécu pour nous aussi
Si vous vous souvenez de nous devant le SeigneurIl est certain que le royaume des cieux appartient
À des enfants tels que vous étiez en âge, en dessein et en père,
comme notre propre garçon qui a été convoqué au moment où il a été accordé.
C’était un enfant longtemps désiré mais qui ne nous a pas été attribuéNous l’avons enterré aux côtés des martyrs avec lesquels
il partage le pacte du tombeau,
Afin qu’avec le sang des saints tout près il puisse asperger nos âmes
lorsqu’elles seront au feu après la mort. (Carmen 31, trans. P.G. Walsh)
Je cite ces versets non pas pour démontrer une croyance particulière sur le statut des nourrissons, mais parce que Paulinus offre des versets consolants qui parlent aux familles de tous âges qui ont perdu des enfants à cause de la mortalité infantile — y compris les fausses couches. Ce que Paulinus offre, ce n’est pas seulement l’espérance du salut, mais le mystère profond et joyeux du salut: ces enfants dont nous avions prévu de nous occuper sont maintenant dans un tel lieu, la communauté des saints, pour prendre soin de nous par leurs prières. La dernière ligne indique l’espoir de Paulinus que son fils prie pour lui à la fois maintenant mais aussi lorsqu’il est entré dans le « feu après la mort » — les feux purgatoires anticipés par Paulinus et dont je parle ici.
* Cet article a été édité le 26/11/2019 pour préciser que l’existence des Limbes, comprise comme le lieu où résident ceux qui meurent dans l’état de Péché Originel seul, est un dogme de l’Église, mais que l’Église n’a pas définitivement enseigné que tous les nourrissons non baptisés vont nécessairement dans les Limbes.