Pape Grégoire VII
L’objet principal des projets ecclésiastiques et politiques de Grégoire VII se trouve dans ses relations avec le Saint-Empire romain germanique. Depuis la mort de l’empereur du Saint-Empire romain germanique Henri III, la force de la monarchie allemande avait été sérieusement affaiblie et son fils Henri IV avait dû faire face à de grandes difficultés internes. Cet état de choses était d’une aide matérielle pour Grégoire VII. Son avantage était encore renforcé par le fait qu’en 1073 Henri IV n’avait que vingt-trois ans.
Dans les deux années qui suivent l’élection de Grégoire VII, Henri est contraint par la rébellion saxonne de s’entendre à tout prix avec lui. Par conséquent, en mai 1074, il fit pénitence à Nuremberg — en présence des légats pontificaux – pour expier son amitié continue avec les membres de son conseil qui avaient été interdits par Grégoire, prêta serment d’obéissance et promit son soutien dans le travail de réforme de l’Église. Cette attitude, cependant, qui lui a d’abord valu la confiance du pape, a été abandonnée dès qu’il a vaincu les Saxons à la Première bataille de Langensalza le 9 juin 1075 (également appelée Bataille de Hombourg ou Bataille de Hohenburg). Henri tenta alors de réaffirmer sans délai ses droits en tant que souverain du nord de l’Italie. Il envoya le comte Eberhard en Lombardie pour combattre les Patarènes; nomma le clerc Tedald à l’archevêché de Milan, réglant ainsi une question longue et litigieuse; et enfin tenta d’établir des relations avec le duc normand Robert Guiscard.
Grégoire VII répondit par une lettre grossière, datée du 8 décembre 1075, dans laquelle, entre autres accusations, il accusait Henri d’avoir manqué à sa parole et avec son soutien continu des conseillers excommuniés. En même temps, il envoya un message verbal suggérant que les crimes énormes qui seraient mis à son compte le rendaient responsable, non seulement de l’interdiction de l’Église, mais de la privation de sa couronne. Grégoire l’a fait à un moment où il a lui-même été confronté à un adversaire téméraire en la personne de Cencio I Frangipane, qui, la nuit de Noël, l’a surpris à l’église et l’a emmené comme prisonnier, bien que le lendemain Grégoire ait été libéré.
Le pape et l’empereur se déposent l’un l’autremodifier
Les réprimandes du pape, rédigées sous une forme si inédite, exaspérèrent Henri et sa cour, et leur réponse fut le conseil national convoqué à la hâte à Worms, en Allemagne (le synode de Worms), qui s’est réuni le 24 janvier 1076. Dans les rangs supérieurs du clergé allemand, Grégoire avait de nombreux ennemis, et un cardinal romain, Hugo Candidus, autrefois en termes intimes avec lui mais maintenant son adversaire, s’était précipité en Allemagne pour l’occasion. Toutes les accusations à l’égard de Grégoire que Candidus pouvait formuler ont été bien accueillies par l’assemblée, qui s’est engagée à la résolution selon laquelle Grégoire avait perdu la papauté. Dans un document rempli d’accusations, les évêques ont renoncé à leur allégeance à Grégoire. Dans un autre, Henri le déclara destitué et les Romains devaient choisir un nouveau pape.
Le concile a envoyé deux évêques en Italie, et ils ont obtenu un acte similaire de déposition des évêques lombards au synode de Plaisance. Roland de Parme informa le pape de ces décisions, et il eut la chance d’avoir l’occasion de prendre la parole au synode, qui venait de se réunir dans la basilique du Latran, pour y délivrer son message annonçant le détrônement. Pour le moment, les membres ont eu peur, mais bientôt une telle tempête d’indignation a été suscitée que ce n’est qu’à cause de la modération de Gregory lui-même que l’envoyé n’a pas été assassiné.
Le lendemain, le 22 février 1076, le pape Grégoire VII prononce une sentence d’excommunication contre Henri IV avec toute la solennité qui lui est due, le prive de sa dignité royale et absout ses sujets des serments qu’ils lui avaient prêtés. Cette phrase visait à éjecter un souverain de l’Église et à le dépouiller de sa couronne. Que cela produise cet effet, ou soit une menace oisive, ne dépendait pas tant de Grégoire VII que des sujets d’Henri et, surtout, des princes allemands. Les preuves contemporaines suggèrent que l’excommunication d’Henri a fait une profonde impression en Allemagne et en Italie.
Trente ans auparavant, Henri III avait déposé trois prétendants à la papauté, rendant ainsi un service reconnu à l’Église. Quand Henri IV a essayé de copier cette procédure, il a eu moins de succès, car il manquait du soutien du peuple. En Allemagne, il y avait un sentiment rapide et général en faveur de Grégoire, et les princes en ont profité pour mener leur politique anti-royale sous le couvert du respect de la décision papale. Lorsque, à la Pentecôte, le roi proposa de discuter des mesures à prendre contre Grégoire VII dans un conseil de ses nobles, seuls quelques-uns firent leur apparition ; les Saxons saisirent l’occasion en or de renouveler leur rébellion, et le parti anti-royaliste se renforça de mois en mois.
Marcher jusqu’à CanossaEdit
La situation est devenue extrêmement critique pour Henry. À la suite de l’agitation, encouragée avec zèle par le légat papal, l’évêque Altmann de Passau, les princes se réunirent en octobre à Trebur pour élire un nouveau souverain allemand. Henri, qui était stationné à Oppenheim sur la rive gauche du Rhin, n’a été sauvé de la perte de son trône que par l’échec des princes réunis à s’entendre sur la question de son successeur.
Leurs dissensions les ont toutefois simplement incités à reporter le verdict. Henri, ont-ils déclaré, doit faire réparation à Grégoire VII et s’engager à l’obéissance; et ils ont décidé que, si, à l’anniversaire de son excommunication, il était toujours sous l’interdiction, le trône devrait être considéré comme vacant. En même temps, ils ont décidé d’inviter Grégoire VII à Augsbourg pour décider du conflit.
Ces arrangements montraient à Henry la voie à suivre. Il était impératif en toutes circonstances et à n’importe quel prix d’obtenir son absolution de Grégoire avant la période nommée, sinon il ne pouvait guère déjouer ses adversaires dans leur intention de poursuivre leur attaque contre lui et justifier leurs mesures par un appel à son excommunication. Au début, il tenta d’arriver à ses fins par une ambassade, mais lorsque Grégoire rejeta ses ouvertures, il prit la décision célèbre de se rendre en personne en Italie.
Grégoire VII avait déjà quitté Rome et avait laissé entendre aux princes allemands qu’il attendrait leur escorte pour son voyage le 8 janvier 1077 à Mantoue. Mais cette escorte n’était pas apparue lorsqu’il a reçu la nouvelle de l’arrivée d’Henry. Henri, qui avait traversé la Bourgogne, avait été accueilli avec enthousiasme par les Lombards, mais résista à la tentation d’employer la force contre Grégoire. Il choisit le cours inattendu de forcer Grégoire à lui accorder l’absolution en faisant pénitence devant lui à Canossa, où Grégoire s’était réfugié sous la protection de sa proche alliée, Mathilde de Toscane. La promenade à Canossa est vite devenue légendaire.
La réconciliation n’a été réalisée qu’après de longues négociations et des engagements précis de la part d’Henri, et c’est avec réticence que Grégoire VII a longuement cédé, compte tenu des implications politiques. Si Grégoire VII accordait l’absolution, la diète des princes à Augsbourg dans laquelle il pouvait raisonnablement espérer agir comme arbitre deviendrait soit inutile, soit, si elle se réunissait du tout, changerait complètement de caractère. Il était cependant impossible de refuser au pénitent de rentrer dans l’Église, et les obligations religieuses de Grégoire VII l’emportaient sur ses intérêts politiques.
La levée de l’interdiction n’impliquait pas une véritable réconciliation, et aucune base n’était acquise pour un règlement de la question principale qui divisait Henri et Grégoire : celle de l’investiture. Un nouveau conflit était inévitable du fait même qu’Henri considérait la peine de déposition abrogée avec celle d’excommunication. Grégoire, quant à lui, avait l’intention de réserver sa liberté d’action et n’a donné aucune indication sur le sujet à Canossa.
Excommunications ultérieures d’Henri Ivmodifier
Que l’excommunication d’Henri IV n’était qu’un prétexte pour l’opposition des nobles allemands rebelles est transparent. Non seulement ils ont persisté dans leur politique après son absolution, mais ils ont pris la mesure la plus décidée de mettre en place un souverain rival en la personne du duc Rodolphe de Souabe à Forchheim en mars 1077. Lors de l’élection, les légats pontificaux présents observent l’apparence de neutralité, et Grégoire VII lui-même cherche à maintenir cette attitude au cours des années suivantes. Sa tâche fut facilitée par le fait que les deux partis étaient d’une force à peu près égale, chacun essayant de prendre le dessus en mettant le pape de leur côté. Mais le résultat de sa politique de non-engagement a été qu’il a largement perdu la confiance des deux parties. Finalement, il décide pour Rodolphe de Souabe après sa victoire à la bataille de Flarchheim le 27 janvier 1080. Sous la pression des Saxons, et mal informé de l’importance de cette bataille, Grégoire abandonne sa politique d’attente et prononce à nouveau l’excommunication et la déposition du roi Henri le 7 mars 1080.
Mais la censure papale s’est avérée très différente de celle de quatre ans auparavant. Cela a été largement ressenti comme une injustice et les gens ont commencé à se demander si une excommunication prononcée pour des motifs frivoles avait droit au respect. Le roi, désormais plus expérimenté, se lança dans la lutte avec beaucoup de vigueur. Il a refusé de reconnaître l’interdiction au motif de son illégalité. Il convoque alors un concile qui se réunit à Brixen et, le 25 juin, prononce la destitution de Grégoire. Il désigna l’archevêque Guibert (Wibert) de Ravenne comme son successeur. Le 25 juin 1080, Guibert est élu pape par les trente évêques présents sur ordre du roi. Le 15 octobre 1080, le pape Grégoire conseille au clergé et aux laïcs d’élire un nouvel archevêque à la place du schismatique » fou » et » tyrannique » Wibert. En 1081, Henri ouvre le conflit contre Grégoire en Italie. Le soutien de Grégoire s’était alors affaibli et treize cardinaux l’avaient déserté. Pour aggraver les choses, Rodolphe de Souabe mourut le 16 octobre de la même année. Henry était maintenant dans une position plus forte et Gregory plus faible. Un nouveau prétendant, Hermann de Luxembourg, est proposé en août 1081, mais sa personnalité ne convient pas à un chef du parti grégorien en Allemagne, et le pouvoir d’Henri IV est à son apogée.
Le principal soutien militaire du pape, Mathilde de Toscane, bloqua les armées d’Henri des passages occidentaux sur les Apennins, il dut donc s’approcher de Rome depuis Ravenne. Rome se rendit au roi d’Allemagne en 1084, et Grégoire se retira alors dans l’exil du Château Saint-Ange. Grégoire refusa de recevoir les ouvertures d’Henri, bien que ce dernier promit de livrer Guibert comme prisonnier, si le souverain pontife consentait seulement à le couronner empereur. Grégoire, cependant, insista comme préalable nécessaire pour qu’Henri comparaisse devant un Conseil et fasse pénitence. L’empereur, faisant semblant de se soumettre à ces conditions, s’efforça d’empêcher la réunion des évêques. Un petit nombre s’assembla néanmoins et, conformément à leurs souhaits, Grégoire excommunia à nouveau Henri.
Henri, à la réception de cette nouvelle, entra de nouveau à Rome le 21 mars pour voir que son partisan, l’archevêque Guibert de Ravenne, était intronisé pape Clément III le 24 mars 1084. Henri fut couronné empereur par sa créature, mais Robert Guiscard, avec qui entre-temps Grégoire avait formé une alliance, marchait déjà sur la ville. Henry a été contraint de fuir vers Civita Castellana.
Exil de Romedit
Le pape fut libéré, mais après que le peuple romain eut été irrité par les excès de ses alliés normands, il fut contraint de se retirer au Monte Cassino, puis au château de Salerne au bord de la mer, où il mourut le 25 mai 1085. Trois jours avant sa mort, il retira toutes les censures d’excommunication qu’il avait prononcées, à l’exception de celles contre les deux principaux coupables – Henry et Guibert.